Soupir après Sion
--> Poème de ma jeunesse
SOUPIR APRES SION
1
Les regrets de ma vie à la morne revue
De l’épopée amère des pages vécues,
Depuis hier et plus, et jusqu’à ce matin,
Dilapident la joie au profit du chagrin.
Quand, sur une avenue, une route, un sentier,
Quel que fut de son temps le chemin piétiné,
Quelle que fut par-delà la direction des vents,
Quand sur la corde raide se fait très pressant
Le pas du funambule se voyant déjà
De l’autre côté de son antique vallée,
Criant victoire avant de l’avoir remportée,
Je me dis alors : ”Halte-là !”
Astre doré, tu m’éblouis de ton rayon !
Mon balancier se casse, m’échappe. D’un bond,
Je voudrais faire le dernier pas en avant,
Sauter un temps, des temps, et la moitié d’un temps !
Vois-tu l’arcade sur le sort,
La passerelle des marais ?
Vois-tu l’âme sans remord
Portée sur les flots élevés ?
Vois-tu dans l’air immaculé,
Par la porte ou bien la fenêtre,
Le trait tracé à main levée
A son élève par le Maître ?
Que dirais-tu de recueillir
En toi l’étoffe de fin lin,
La parure du repentir,
L’étoile du plus beau matin ?
Si l’aube se plaît à dévoiler son secret,
Point n’est besoin de broyer le noir en entier !
Mon amour ! le merveilleux jour est à la joie
Ce que l’épouvantable nuit est à la poix !
Si l’une arrache en mugissant la fleur au champ,
L’autre l’embrasse et la recueille en sa maison.
Une saison emporte au loin les feuilles mortes,
Tandis que l’autre accroche jusqu’à notre porte
Sa verdure inégalable, réinventée,
Encore et encore, comme un signe donné,
Un signe marqué du sang éternellement
Versé pour toi, ô cher enfant !
Mon coeur est lourd, tourne et se retourne au fond
De sa cage, brassé tel un galet d’Ouessan
Livré aux lames, aux dents, mais grâce au divin nom,
Ramené sans cesse en quelque plage d’Orient.
2
Jérusalem ! Jérusalem !
Ma belle des demeures pures !
Ma promise du jour suprême !
Quand passeras-tu donc l’azur ?
Quand descendras-tu donc d’en haut ?
Majestueuse citadelle
Parée d’amour, de grâce et d’eau !
Cité des âges éternels !
Quand donc s’allumera le ciel,
La voûte sanglante des champs
De batailles et de duels,
Des invisibles combattants,
Et que s’ouvrira le chemin,
Que se déchirera l’éther
En triomphe ultime et sans fin,
En gloire unique et salutaire ?
Quand donc diras-tu : ”Me voici !
Plantez les piquets d’amarrage !
Tendez les cordes du logis,
De la tente qui d’âge en âge
Ne sera plus transportée !
Ne sera plus transportée ! ” ?
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3
Je mourrai de chagrin
Dans l’enfer du matin.
Je mourrai de mes pleurs
Dans l’enfer du malheur.
Six fois par jour et plus,
La nuit s’y prête en sus,
Mon âme crie : ”De grâce ! ”
Et mon esprit est las.
Tout mon être s’en va,
Se meurt au fond de moi.
En un point prosterné,
Mon corps soupire et dit :
“Pourquoi donc suis-je en vie ?
Pourquoi donc suis-je ici ?
Pourquoi donc suis-je né ? ”
Et, continuellement,
Le tison me reprend.
Ma maison se consume.
Les murs, le toit s’allument.
Que je le veuille ou non,
La flamme est sans pardon.
C’est peut-être cela
L’objet de mes tracas.
Est-ce là ma souffrance,
Ma peine qui s’enfonce
Dans les eaux incendiées,
Tel un joli bateau
De papier sur les flots,
Sur les noirâtres flots ?
Mon âme est-ce là ta plaie ?
J’aime trop ma demeure !
Tu sais, les belles heures,
Les allées et venues
De l’astre dans les nues,
Les belles randonnées
Dans l’espace bleuté,
La douce touche d’or
Des rayons sur le port,
Sur la ville d’amour,
Reconnue à toujours,
Et qui bat dans mon coeur !
J’aime celle que j’attends,
Et qui fait maintenant
Tout mon enfantement,
L’enfant de ma douleur !
S’il en est de ma foi
En Celui qui est Roi,
Mon Seigneur et mon Dieu
Au nom si merveilleux !
S’il en est de ma foi
Jusqu’à ce qu’Il soit là,
Pourquoi plaindre mon sort ?
Se lamenter encore ?
A travers mes entrailles
La flamme fait son travail.
Qui lui dira : ”Arrête ! ” ?
Pas plus l’eau que ma voix,
Pas plus la mer que mille voix :
L’amour ne s’éteint pas !
Il est toute ma requête !
Nuremberg, 17 mai 1985
Ecrit par
alberto, le Lundi 5 Novembre 2007, 14:35 dans la rubrique
Poèmes.
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