On raconte qu'un jour Voltaire s'adressa à un enfant occupé à lire
son catéchisme à l'ombre d'un pommier : « Ecoute, jeune homme » lui
dit-il, « Je te donne toutes les pommes de ce verger si tu peux me dire
où est Dieu ! »
L'enfant leva la tête, regarda Voltaire et, avec
le respect que les jeunes avaient encore, en ce temps-là, pour leurs
aînés, répondit : « Vous, Monsieur, pourriez-vous me dire où il n'est
pas ? »
L'horloge et son horloger
Qu'il
existe un Dieu, Voltaire le savait. Il en était même embarrassé, en ce
que cela dérangeait ses théories. N'avait-il pas écrit : « Le monde
m'embarrasse et je ne puis songer qu'une telle horloge existe et n'ait
pas d'horloger » ? Il voyait bien aussi que l'enfant avait raison, que
chaque détail atteste la présence d'un Créateur.
Ce qu'il
ne savait pas (ou refusait de savoir), c'est que l'horloger qui a mis au
point cette admirable horloge que nous appelons l'univers, ne l'a pas
créée pour l'oublier ensuite. Ce que Voltaire ne savait pas, c'est qu'en
créant les hommes, Dieu les a voulus intelligents et libres parce qu'il
était désireux d'entrer en relation personnelle avec eux. Et savoir cela a beaucoup plus d'importance que d'admettre que notre monde ne s'est pas fait tout seul !
Or, si
Dieu, le Créateur de tout ce qui existe, s'intéresse à nous et désire
réellement établir une relation personnelle avec chacun de nous (et avec
moi en particulier), alors ma vie prend un sens nouveau. Tout devient
possible, car rien ne saurait être trop difficile pour celui qui a créé
l'univers illimité. Il peut aisément changer mes circonstances (ou
mieux, la manière dont je les vis). S'il s'intéresse réellement à moi,
ma vie entière, mon être lui-même peuvent être changés de fond en comble
!
Mais qu'est-ce que je vais imaginer là ? Y a-t-il au
monde quelque chose qui me permette de penser que le Créateur de
l'infini veuille s'occuper des infimes créatures que nous sommes, nous
hommes perdus dans l'immensité ? Ne suis-je pas en train de rêver ?
La fin de Voltaire
Et
bien, non. L'histoire rapporte que Dieu s'est choisi des hommes qu'il a
spécialement inspirés pour qu'ils parlent de sa part. Et comme si ce
n'était pas suffisant, il a fini par venir lui-même vivre parmi nous, se
dépouillant pour un temps de sa gloire et de ses attributs pour revêtir
la nature humaine. Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ. C'est
tellement incroyable que personne n'y aurait jamais cru... s'il n'en
avait multiplié les preuves en commandant aux éléments déchaînés, en
ressuscitant les morts, en délivrant les victimes des puissances
occultes... Et surtout, en sortant lui-même du tombeau trois jours après
son ensevelissement... et pour toujours. Ce ne sont pas des légendes.
C'est de l'histoire !
Malheureusement, Voltaire, comme
tant d'autres aujourd'hui, a pu le savoir mais ne l'a pas cru. Et le
résultat est inscrit dans le dernier acte de son existence, au moment où
il lui a fallu quitter les planches du théâtre de ce monde, au moment
du rendez-vous de la mort : Voltaire se trouvait à Paris, enivré
du succès de la nouvelle pièce qu'il faisait représenter. La foule lui
faisait une telle ovation qu'il s'écria : « Vous voulez donc me faire
mourir de plaisir ? » Soudain, une violente hémorragie le surprit. Elle
allait l'emporter. Ses amis Diderot, d'Alembert, Marmontel accoururent
pour le soutenir et furent les témoins de la plus terrible des morts. La
rage, les remords, le blasphème accompagnèrent la longue agonie de
l'athée mourant. Maudissant ses amis, il leur dit :«
Retirez-vous, c'est vous qui m'avez mis dans l'état où je suis. J'aurais
pu me passer de vous... et quelle misérable gloire vous m'avez procurée
! »
Dans les convulsions de l'agonie, il restait étendu
sur le parquet, désespéré, s'écriant : « Ce Dieu que j'ai renié ne
viendra-t-il pas me sauver aussi ? » Au docteur Tronchin, son médecin,
il dit encore : « Je suis abandonné de Dieu ! Docteur, je vous donne la
moitié de ce que je possède si vous pouvez me prolonger la vie de six
mois ! » Le même docteur raconte la fin de Voltaire en ces termes : «
Il finit par tomber dans un état de désespoir et de démence le plus
affreux. Je ne me le rappelle pas sans horreur... la rage s'est emparée
de son âme. Si mes principes (Tronchin était croyant) avaient eu besoin
que j'en serrasse les noeuds, l'homme que j'ai vu dépérir, agoniser et
mourir sous mes yeux, en aurait fait un noeud gordien ; et, en comparant
la mort de l'homme de bien qui n'est que la fin d'un beau jour, à celle
de Voltaire, j'aurais bien vu la différence qu'il y a entre un beau
jour et une tempête, entre la sérénité de l'âme du sage qui cesse de
vivre, et le tourment affreux de celui pour qui la mort est le roi des
épouvantements. Grâce au ciel, je n'avais pas besoin de ce spectacle ! »
Et
nous ? Accepterons-nous de savoir et de croire en ce salut que les
prophètes avaient annoncé et que le Christ a payé de son sang ? Ou bien
n'avons-nous aucune leçon à tirer du sort final des impies ?
R.-F. DOULIERE