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Il a fallu qu’un jour Dieu fasse l’homme !

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Le joueur de yoyo
--> L'histoire de Patrice

C'est une journée “portes ouvertes”. Un dimanche. Comme les grands magasins, certaines usines ou autres, l'église locale a organisé une journée “portes ouvertes”. Et il y a du monde dans la salle transformée en salon de thé ! L'atmosphère y est bon enfant. Et les discussions vont bon train. Un prédicateur vient tout juste de terminer un discours. “Un discours” c'est le mot qu'emploie mon interlocuteur pour évoquer la prédication. Quand il me parle, il me regarde droit dans les yeux. On dirait un vagabond. Maigre ! Le teint jaunâtre. Il est habillé tout de cuir noir et chaussé de rangers. Un gros chien craintif l'accompagne. Les deux doivent être inséparables !
- Tu sais, je suis athée. Je suis entré par hasard, parce que la porte était ouverte et parce qu'il y avait de belles filles !
Amusé par sa sincérité, je me demande comment Dieu a réussi à conduire cet individu et son chien jusqu’ici dans ce lieu particulier...

Il se nomme Patrice. Il est issu de l'Assistance Publique. J'ai pris l'habitude de lui rendre visite régulièrement. Mais pas trop souvent. Des visites brèves. Car ma présence lui occasionne de violentes colères. J'ai remarqué aussi qu'on entrait chez Patrice presque comme dans un moulin à vent : des gens orientés vers des religions bizarres. L'opposition d'esprit qu'il manifeste à chacune de mes visites me pousse à prier beaucoup en sa faveur. D'autres chrétiens de l'église locale prient également pour lui.
- Tu peux prier pour moi, mais laisse tomber avec la Bible, ne m’en parle pas, je n'y comprends rien !
En fait c'est toujours lui qui commence à parler de Dieu. Combien de Bibles et de Nouveaux Testaments a-t-il déchirés ? ll y a souvent des pages froissées qui traînent par terre à côté d'un bric-à-brac, entre autres, un chevalet, des tableaux. La peinture, c'est un passe-temps pour Patrice. Ça l'aide à vivre. Ses angoisses, ses agressivités passent à travers le pinceau. Et sûrement sur le dos du chien. Pas étonnant qu'il ait l’air si craintif ! Pourtant, les deux s'aiment bien. Je sens aussi que nous deux, Patrice et moi, nous nous aimons bien.

Comme il vit de l'aide sociale, je l'invite parfois au restaurant. Là aussi, c'est lui qui commence à parler de Dieu. Après, quand je le reconduis chez lui, le ton monte systématiquement et il commence ses phrases par “Vous les chrétiens...”
Un jour ma visite est très brève. Je le trouve en train de retoucher un tableau qu'il a intitulé : Le joueur de yoyo. Est-ce que je le dérange ? Autant il se réjouit de ma venue, autant la colère le mobilise rapidement.
- C'est une force, explique-t-il, terrible, que je n'arrive pas a contrôler ! Dans ces moments là, je casserais tout !
Ce jour là, il faillit en effet tout casser. Tour ce qu'il trouve a portée de mains, il le balance. Quelque chose traverse un carreau. “Vous les chrétiens...” Sur le coup, il y a en moi un moment de peur. Pour une fois que je n'ai pas préparé ma visite par la prière...

En tout cas depuis ce jour, un changement apparaît dans la vie de Patrice. Il est plus calme. Chez lui, on voit de moins en moins de gens bizarres, de moins en moins de livres bizarres. Sa quête mystérieuse de Dieu devient de plus en plus visible. Mais il ne se convertit pas.
- Quand Jésus me parlera, je me convertirai !
Sur le mur de sa chambre, un mur tout blanc, il a accroché une croix. Un crucifix. Mais la figure représentant Jésus, habituellement clouée sur le bois, il l’a déclouée et accrochée ailleurs.
- Tu n’as jamais entendu dire que Jésus est ressuscité ? m'expliquet-il, il n’est plus sur la croix !
Sa sincérité d'enfant m'a toujours amusé et ravi. Je suis persuadé que Dieu l'aime beaucoup, lui tout particulièrement parce qu'il est pauvre, qu'il n'a même pas connu l'amour d'une mère. Et je le lui dis. Je lui dis combien l'amour de Dieu est grand. Et nous passons en revue les preuves concrètes de cet amour dans son existence. Sans travail, il se trouve quand même nourri - son chien aussi -, logé, et bénéficiaire de combien de petites choses... Des détails peut-être, mais tellement signifiants !
- Patrice, voilà aussi comment Dieu te parle !
Mais il ne se convertit toujours pas.
L'inquiétude parfois à son égard me gagne. L'impatience aussi. Surtout que l'idée de suicide l'affecte de plus en plus. Comment pourra-t-il s'en sortir sans l'intervention de Dieu ?

Les mois, les années passent. A cause d'un changement de travail, me voilà sur le point de quitter la région. De quitter Patrice. Cependant un fait me rassure et vient fortifier ma foi : Patrice a fait la connaissance d'un autre chrétien. Comme si Dieu assurait une relève. Est-ce vraiment une intervention de Dieu ? Ce qu'en dit Patrice semble le confirmer :
- Tu sais mon nouvel ami est formidable C'est un chrétien engagé comme toi. Il me fait participer à des réunions bibliques chez lui, dans sa maison. Il a une belle maison ! Il va aussi m'emmener au culte le dimanche matin -d'abord pour voir, après on verra. Mais je dois dire, oui, je me sens mieux. Il va aussi me trouver du travail...
Quelques temps plus tard lors d'une visite, je trouve Patrice en train de laver un cendrier. Tiens, tiens ! d'habitude chez lui, les cendriers ont plutôt tendance à déborder.
-Ah! maintenant, je ne peux plus supporter ça !
Je m'enquiers :
-Tu ne fumes plus ?
Il me regarde avec étonnement :
- Tu ne sais pas que je suis devenu chrétien ? Jésus-Christ est mon Sauveur et mon Dieu !
Patrice s'est converti ! Il m'en voit tout joyeux, et puis à le regarder dans la lumière du soleil, je lui découvre une meilleure mine. Certes ses joues sont encore un peu creusées. N'est-ce pas le moment opportun pour l'inviter à manger ?
- Allez, viens Patrice, allons fêter cela au restaurant !
Et avant de manger, Patrice fait coucher le chien craintif sous la table, puis s'incline : il prie à haute voix et remercie Dieu. “Heureux celui à qui la transgression est remise... et dans l’esprit duquel il n'y a point de fraude !”

©Alberto

Note: Un jour j'ai demandé à Patrice la signification de son tableau : Le joueur de yoyo. Il m'a répondu :
- Le joueur, c'est le diable. Le yoyo, c'est moi.

Ecrit par alberto, le Dimanche 22 Mai 2005, 10:36 dans la rubrique Dire Dieu.


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