Le petit homme gros
Il était une fois un petit homme gros. Il avait un problème : chaque fois qu’il s’asseyait sur une chaise, elle cassait. Alors il s’était dit “Autant s’asseoir directement par terre”. Ce qu’il faisait. Quand il était invité quelque part, il s’asseyait par terre. Mais lorsqu’il était assis par terre, il avait mal à la tête, alors il se couchait tout simplement par terre. C’était déjà mieux. Le problème, c’est que dès qu’il était couché, il s’endormait. Les invités devaient le réveiller. Et il avait du mal à se remettre debout. Un vrai problème.
A la longue, le petit gros devint tout triste, il rêvait d’être un homme mince.
Un matin, il se réveilla avec une idée géniale. Mais lorsqu’il voulu sortir, il ne passa plus la porte tant il avait grossi. Il se laissa tomber par terre, désemparé, en regardant tristement la fenêtre, une grande fenêtre par où il aurait passé aisément, mais notre petit homme gros habitait au premier étage ! Il aurait fallu installer un toboggan, comme dans les avions en cas de catastrophe, où les gens se laissent glisser, hop ! Une envie de liberté monta en lui et il sentit un regain de courage qui lui redonna goût à la vie, à l’espoir. Il eut une nouvelle idée géniale. Pour pouvoir sortir, passer la porte, il suffisait de maigrir. Pour maigrir, il suffisait de jeûner. Sitôt dit, sitôt fait. Un jour, deux jours, trois jours... Ouf ! Il était temps, car le petit homme gros n’aurait pas tenu un jour de plus à ne boire que de l’eau. Après trois jours de jeûne, il passait la porte, et pouvait prendre place dans une voiture. Il continua de suivre un régime, et au bout de plusieurs mois, personne ne le reconnu tant il était devenu mince. “Quelle chance, se dit-il, je suis devenu normal !”
Pour fêter sa métamorphose, l’homme devenu mince s’offrit un voyage en avion, vers une destination lointaine, une sorte d’île. Pour lui, son principal bonheur était de pouvoir s’asseoir comme tout le monde ; et prendre place dans un siège confortable d’avion était une véritable jouissance. Pour peu, il faillit faire l’aller-retour direct. Mais son billet comportait un séjour dans l’île.
Là-bas, il y avait la mer, la plage, et l’hôtel. Les touristes regardaient cet homme mince qui avait un étrange comportement : chaque fois qu’il voyait une chaise, il s’asseyait en souriant aux gens. Les gens lui souriaient aussi. A quel point le bonheur peut être mystérieux, fragile, et... temporaire !
Car un mois plus tard, le petit homme mince en eut marre de cette vie monotone. Du jour au lendemain, une seule idée l’habita : manger un gros gâteau avec de la crème chantilly ! C’était facile, il suffisait d’aller au restaurant de l’hôtel, de s’asseoir à une table et de commander. Ce qu’il ne tarda pas à faire. Ce fut un autre bonheur, une autre satisfaction qu’il chercha à retrouver chaque jour, comme avec les chaises.
Un mois plus tard, le petit homme mince était devenu gros comme auparavant. Les gens le regardaient mais ne souriaient plus. Il décida de rentrer, de prendre le prochain avion. Mais au moment d’embarquer, il resta coincé à l’entrée : il ne passait plus dans la porte de l’avion qui décolla sans lui.
Heureusement, les portes de l’hôtel étaient larges, et les chaises en métal...
Allait-il réussir trois jours de jeûnes afin de maigrir et de pouvoir passer par la porte de l’avion du retour ?
Il s’endormit. Lorsqu’il se réveilla, il eut une idée géniale. Vite ! Il se leva et décida de s’offrir un nouveau voyage... en bateau cette fois, vers une destination inconnue, une nouvelle île. Après ce voyage, il rentrerait chez lui. De toute façon, après, il était obligé... car il n’aurait plus d’argent.
©Guy Marchal
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