Il était une fois
un homme qui faisait de la moto dans le désert. Il venait de loin, de Paris, et
avait l’intention de relier Dakar le plus vite possible. D’autres motards, qui
avaient eu la même idée le même jour l’avaient doublé. S’il arrivait le
dernier, tant pis ! L’important était de participer. Mais en traversant une
dune, sa moto fit quelques ratés et tomba en rade. Le moteur ne démarrait plus.
L’homme poussa sa moto en cherchant en vain la piste. Le vent balayait le sable
et rendait la progression difficile. L’homme abandonna sa moto. Il avait soif.
Il marcha encore tant qu’il put marcher sur le versant d’une dune. Arrivé sur
l’autre versant, il se laissa tomber, roula sur plusieurs mètres. En
contre-bas, il y avait une oasis. Un palmier et un bassin d’eau. L’homme
jubilait de joie et criait : “Alleluia !”. Il but, il but... et comme il
reprenait ses esprits, il se dit qu’il avait oublié sa boussole sur la moto. Il
leva la tête pour chercher l’étoile polaire mais il faisait encore jour.
D’ailleurs ça lui servirait à quoi de reconnaître l’étoile polaire ?
Pendant ses
méditations arrivèrent trois chameaux, seuls, sans bédouins. Les chameaux se
mirent à boire assez longtemps, tant que le bassin de l’oasis se vida. L’homme
se prit la tête dans les mains. Toute l’eau de l’oasis se trouvait maintenant
dans le ventre des chameaux. Alourdis sans doute par cette eau, les chameaux se
couchèrent et s’endormirent. L’homme attendit jusqu’au lendemain leur réveil.
Quand ils se mirent en mouvement, l’homme choisi l’un des trois pour prendre
place sur son dos. Il se laissa porter à dos de chameau pendant des heures et
des heures. Les chameaux suivaient une piste qu’ils semblaient connaître. A la
longue, l’homme somnolait et risquait de tomber. Alors il s’attacha solidement
avec une corde et s’endormit profondément. Il ne vit pas que les chameaux
arrivèrent dans un port. Ils furent vendus et expédié par bateau vers une
destination inconnue. Dans la pénombre du trafic, personne ne s’était aperçu de
l’homme ficelé sur le dos d’un chameau. Quand l’homme se réveilla, il fut
étonné de voir de l’eau tout autour. Sur le moment il pensa qu’il se trouvait
dans l’oasis et cria à nouveau : “Alléluia !”. Mais il avait une telle soif !
S’étant libéré, il chercha à boire et enfin prit conscience qu’il se trouvait
sur un bateau. Il fonça au poste de pilotage et trouva un type endormi. Il prit
la place du type pour barrer le bateau et mit le cap sur le port le plus proche
: Marseille.
Plusieurs cars de
police attendaient ce bateau. Il s’agissait de contrebandiers. L’homme fut
honoré par les autorités et hautement récompensé d’avoir permis ce coup de
filet. Il toucha même plus d’argent que le motard arrivé le premier à Dakar !
Comme quoi dans la malchance, il y a parfois une chance qu’il faut savoir
saisir.
©Guy Marchal